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Gallmeister

Gallmeister


Un projet à part : ce n’est pas vraiment de la littérature militante, et en même temps la démarche ou le thème s’en approchent de très près. Gallmeister publie des traductions de livres américains, spécifiquement du genre connu outre-Atlantique comme Nature Writing. Genre inexistant en France, voire en dehors des Etats-Unis. Et le faire entrer ici, le faire découvrir et apprécier paraît ardu ; et pourtant Olivier Gallmeister y arrive, et même très bien, si l’on en juge par le nombre d’ouvrages publiés (17) depuis la création de sa SARL (2006), le tirage moyen de ses livres (4500) ou l’accueil chaleureux et enthousiaste de la critique comme du public. Publier six à sept titres par an sur un thème totalement méconnu ici, ça reste un succès modeste, mais c’est un succès quand même.
Et d’abord, qu’est-ce que le Nature Writing ? « C’est un genre littéraire majeur aux États-Unis. Attaché à décrire la rencontre de l’homme et de la nature, souvent basés sur des description rigoureuses de l’environnement, il comporte une dimension philosophique fondementale destinée à rendre à la nature la place qui lui revient, même si le réduire à sa dimension “écologiste” ou “naturaliste” revient à faire de Moby Dick un traité sur la pêche à la baleine. (…) Les écrivains de Nature Writing sont avant tout des écrivains de l’Ouest américain qui écrivent donc sur un monde qu’il connaissent et qui est leur quotidien » Mais on ne peut pas dire pour autant que les Nature Writers sont des écolo - gauchistes : (…) « les lignes de fractures aux Etats-Unis sont radicalement différentes de ce qu’elles sont en France. Le terme “conservasionist” aux États-Unis est ce qui correspondrait le plus à ce qu’on appelle écologie en France et ce mouvement est structuré autour de groupes radicalement différents. Les débats américains sont très différents des notres et les lignes changent d’un sujet à un autre : par exemple, Edward Abbey était un écologiste convaincu, mais opposé au contrôle des armes à feu. Il était donc difficile à situer. D’une manière globale, si on doit les mettre dans une case, ce serait celle de la contre-culture. »
Retour en France. Olivier Gallmeister est fan de littérature américaine, Hemingway, Faulkner et Fitzgerald, et les actuels Banks, de Lillo, Roth, ou Mc Carthy. C’est pourtant une autre de ses passions qui est à l’origine de la découverte et de l’engouement pour le Nature Writing : la pêche à la mouche. « J’ai commencé par lire des auteurs de pêche, puis des auteurs de nature traitant d’autres sujets. Et j’ai découvert qu’il y avait une véritable littérature, des livres et des auteurs de qualités qui traitaient de sujets qui me tenaient à cœur : la nature, les grands espaces, la place de l’homme dans son environnement. » Il se lance dans l’édition tout seul, mais confie des tâches précises à des professionnels extérieurs, comme le graphisme ou les traductions. La traduction, c’est une des lacunes de l’édition française : non que la littérature non-francophone soit snobée, mais le financement est une barrière. Traduire, ça coûte très cher. Gallmeister perçoit des subventions du CNL pour ce faire, ce qui lui permet de maintenir son cap. Diffusion et distribution sont réalisées par des prestataires spécifiques, les services de presse sont fait par l’éditeur, qui participe à des salons quand il est invité. La promotion n’est de fait pas spectaculaire, et pourtant les résultats sont plus que satisfaisants, au vu de la taille de la structure. Son plus gros succès : les 6500 exemplaires du Gang de la clé à molette d’Edward Abbey. On doit aussi à Gallmeister les publications du Retour du Gang de la clé à molette et du Feu sur la Montagne du même Edward Abbey. Parmi ses meilleures ventes se trouvent aussi… Itinéraires d’un pêcheur à la mouche de John D. Voelker, ou Indian Creek de Pete Fromm.
Sont attendus Casco Bay de William G. Tapply en juin, L’homme Qui Marchait Sur La Lune de Howard McCord en septembre et Shibumi en octobre. Malgré un agenda des sorties chargées, notre éditeur garde les pieds sur terre et se fait presque défenseur du livre comme des grands espaces :« Le livre est un univers fascinant. Je suis surpris par la créativité des petites maisons et le foisonnement de bons livres qui sortent chaque année, et ce quel que soit le domaine concerné. Même si je pense qu’il faut distinguer le travail des éditeurs qui essaient de faire des livres auxquels ils croient et celui des éditeurs que je qualifierais d’opportunistes et qui étouffent le marché en faisant des “faux livres”. En revanche, je ne crois pas que l’on puisse séparer les éditeurs des libraires, qui font tous partie de la “chaîne” du livre et rencontrent les mêmes problématiques. (…) »
L’enthousiasme communicatif, nous ne résistons pas nous non plus à laisser la parole à Olivier Gallmeister pour en raconter plus sur le Nature Writing…
« Traditionnellement américain, le Nature Writing a traversé l’histoire littéraire du Nouveau Monde : de Thoreau (Walden) et Whitman ou Emerson (Nature) à Jim Harrison et Thomas McGuane en passant par Melville, London et Hemingway, beaucoup des plus grands auteurs américains y ont consacré tout ou partie de leur œuvre. Des rayons entiers sont consacrés aux écrits de nature dans les librairies. (…)
Il se développe depuis peu un regain d’intérêt manifeste pour les écrivains de nature, dont l’audience croît à mesure que se développent les préoccupations environnementales en Occident. Comme le rappelle l’écrivain Rick Bass : “Je crois que plus nous détruirons la nature sauvage, plus nous serons amenés à croiser des écrivains de nature.” (…)
La première source d’inspiration du nature writing est évidemment l’environnement immédiat, la terre. En cela, l’Amérique offre un spectacle inégalé. La plupart des paysages et des écosystèmes tempérés sont présents au sein d’un même pays : déserts de l’Utah, Grand Canyon du Colorado, paysages polaires de l’Alaska, rivières et forêts luxuriantes des Rocheuses, marais de Floride, océans Pacifique et Atlantique…
Les premiers immigrants ont été profondément marqués par la découverte d’un Nouveau Monde écologiquement intact : bien qu’habitée depuis des millénaires par les indiens, l’Amérique qui s’offrait aux regards des premiers colons était parfaitement sauvage et préservée. Cette nature vierge leur offrait l’occasion d’un renouveau moral et spirituel.
Mais, issus d’une culture européenne marquée par le christianisme et l’hellénisme qui tendaient à insister sur la séparation de l’âme et du corps, de l’esprit et de la matière, de l’homme et de la nature, les pères fondateurs allaient remplir une mission sacrée par la domination d’une nature hostile. Cette vision du monde allait avoir deux conséquence principales : d’abord, elle allait promouvoir le comportement expansionniste associé au mythe de la “frontière” ; ensuite, elle allait conduire à réduire la nature à un ensemble de ressources naturelles qu’il s’agit d’exploiter. Il en a résulté de nombreux excès liés à la déforestation, aux massacres des bisons et des grands prédateurs, à l’éradication de nombreuses espèces animales et végétales, et évidemment à l’élimination des indiens, sans que cela soulève particulièrement des protestations.
Dans ce contexte, les premiers Nature Writers apparaissent comme une minorité d’écrivains contestataires qui prennent fait et cause pour la nature, qu’ils ne distinguent pas de l’individu. Leur principale hérésie culturelle était de voir dans la nature une cause de bonheur positive per se et non “un vaste réservoir de richesses sans propriétaire”, ce qui les conduit à manifester leur sympathie pour les Indiens.

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30 rue de Fleurus 75006 Paris
Tél. 01 42 22 23 77 / Fax 01 45 44 20 51
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