SE REMONTER LES MANCHES
Le réseau REPAS, qui a vu le jour en 1995, regroupe des « entreprises aux statuts très variés, aux métiers différents, aux histoires particulières, s’expérimentent depuis des années, voire pour certaines des décennies, de nouveaux rapports au travail, des comportements financiers plus éthiques et plus humains, de nouvelles relations producteurs - consommateurs et des présences engagées sur les territoires » ; « autogestion, solidarité, mutualisation, fonctionnements collectifs, coopération, égalité entre les individus, forment les bases de pratiques diversifiées qui s’incarnent dans chaque structure avec des variations et des priorités qui ne sont pas toujours les mêmes, mais qui s’inscrivent toujours dans un écart revendiqué face aux modèles classiques de l’entreprise capitaliste. » Le nom REPAS, on s’en doute, n’est pas une référence culinaire, mais l’acronyme de Réseau d’Échanges et de Pratiques Alternatives et Solidaires. Il s’est donné comme but premier de « répondre au besoin de ces entreprises de mieux se connaître mutuellement et d’échanger sur leurs pratiques. Se sentant chacune un peu seule, elles ont voulu rencontrer des initiatives sœurs avec lesquelles elles se reconnaissaient des caractères communs. » De fait, ces entreprises se rencontrent tous les deux ans pour discuter de sujets variés sur lesquels l’expérience des autres est profitables) et pouvoir partager les expériences des autres : « l’argent, l’usure des équipes, l’organisation, la transmission entre fondateurs et suivants, l’éducation populaire, l’habitat collectif, la formation, etc. » Du Doubs à la Creuse, de l’Ardèche au Deux-Sèvres, en passant par la Drôme, la Haute-Vienne, l’Orne et la Corrèze, ces entreprises (SCOP, GAEC, association loi 1901...) se consacrent aussi bien à l’agro-écologie qu’à la fabrication de meubles en bois, aux stages et formations en éco-construction qu’à la phyto-épuration ou au maraichage en traction animale. Comme « la question de la transmission taraude un certain nombre d’acteurs du réseau », ont été mis en place en 1996 le compagnonnage alternatif et solidaire (« une sorte de "tour de France" dans les entreprises du réseau REPAS, destiné non à apprendre un métier mais à transmettre les valeurs de la culture coopérative »), et en 2003 la maison d’édition. Le réseau est organisé juridiquement en association loi 1901, avec « une salariée à temps partiel, de nombreux bénévoles un bureau et un comité de pilotage qui gère le compagnonnage et un autre pour la maison d’édition. » Cette dernière a une seule collection, Pratiques Utopiques, mais contribue aussi à diffuser les Presses de l’économie sociale. Les 12 titres de la collection Pratiques Utopiques sont en partie réalisés par une coopérative indépendante, La Navette (agence de presse spécialisée dans le traitement de l’information sur l’économie sociale et solidaire), pour un tirage oscillant entre1000 à 2000 exemplaires par ouvrage. Si les livres publiés sont choisis par le comité de pilotage, ce dernier est de plus en plus sollicité de l’extérieur. « Les ouvrages initialement publiés auraient pu l’être auprès de différents éditeurs ou, de manière éparpillée, à l’initiative de chaque auteur », mais non, on n’est jamais mieux servi que par soi-même ; en outre, « il ne s’agit pas de mettre chaque témoignage sous la coupe de quelque catéchisme ou de les labelliser de quelque étiquette à la mode, mais de mettre en valeur la liberté de réponse et l’originalité des réactions et des constructions mises en œuvre par des acteurs différents pour répondre à des besoins sociaux et à des désirs de changement. Oui, on peut faire autrement ! Oui, les modèles dominants ne sont pas les seuls possibles ! Oui, des alternatives sont possibles, y compris dans le champ pourtant fortement modélisé de l’économie. ». Les derniers livres publiés ont pour titre Une fabrique de libertés (qui revient sur les 20 ans d’existence du Lycée Autogéré de Paris), Pour quelques hectares de moins (« aventure vigneronne collective qui recherche des voies autres pour vivre la vigne et le vin en liberté »), ou Homéopathie à la ferme (« l’homéopathie, ce n’est pas seulement une façon de soigner les animaux, c’est aussi, et peut-être surtout, une façon de vivre et de travailler avec eux », selon Jocelyne Porcher). Le reste de la collection évoque des manières de faire ensemble plus ou moins connues (de Godin aux coopératives d’activité et d’emploi), et recèle des témoignages concrets sur la reconstruction d’un village ardéchois ou l’autogestion d’une scierie – non pas « un conte de fée autogestionnaire, mais bien plutôt une histoire de vies ».