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Denis Belloc : Képas

Képas

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Le nez coule et renifle, les pupilles pas assez rétrécies pleurent et derrière les larmes le regard est fixe, halluciné, les joues sont creuses, peau blanche, le corps parcouru de frissons est cassé par une barre circulaire qui part des reins, entoure la taille et vient cogner à l’intérieur des tripes, les jambes sont lourdes et fatiguées, la bouche glaviotte tous les vingt mètres. C’est une maladie. On fait le même trajet : Maine-Vandamme-Gaîté-Edgar-Quinet, dans ce sens et dans le sens inverse, plusieurs fois, toujours la nuit, quand il fait froid on a encore plus froid, mais à l’intérieur, le long des os. Le remède est dans une petite feuille de papier pliée en huit, un petit paquet, mais les malades ne disent pas « un paquet », ils disent « un képa ». Les malades parlent toujours à l’envers.

La première dose, le premier « képa », c’est pour oublier quelques heures Jérôme, l’amour fou depuis si longtemps rêvé. Le narrateur n’imaginait pas que la dépendance viendrait si vite, qu’il s’enfoncerait maladivement dans la noirceur de l’héroïne et se couperait du monde des vivants. La came efface les douleurs, pas leur cause. Passé le manque, reste les cris du manque d’amour.
Denis Belloc est déjà l’auteur de Néons et de Suzanne quand il écrit Képas. Le succès de ces deux premiers livres, contre toute attente, ne le porte pas vers la lumière. Avec ce récit cru et direct, parfois éprouvant mais toujours sans esbroufe, c’est l’enfer de la drogue, la capacité rare à mutiler sa vie en dépit d’un talent inouï qu’il expose.
Le livre nous chahute douloureusement dans d’incessants allers-retours entre rémissions et descentes vertigineuses d’où s’échappe parfois une lumière qui incendie le noir. On ne sort pas indemne de cette chronique d’une autodestruction que seuls l’amour et la littérature pourront sauver, mais infiniment touché par une compréhension nouvelle et intime de la dépendance et de l’anéantissement de sa propre humanité.

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