Je suis arrivée ici révoltée et bien décidée à ne rien fiche. Puis… il a bien fallu que je me mette au pas. Dix ans, ça fait long. On finit par comprendre qu’il vaut beaucoup mieux se ménager une petite détention pénarde et apprendre tout ce que l’on peut. – Le cachot, en hiver surtout, ça finit par coller des rhumatismes. Maintenant je travaille : du service général, du bricolage ; je lis et j’écris à mes moments de loisir. Seulement, y a qu’une chose que le personnel n’a jamais pu m’ôter de la tête – c’est mon goût presque maladif de la solitude.
C’est en prison qu’Albertine Sarrazin a écrit ses deux romans autobiographiques, La cavale et L’astragale. C’est là également que fut rédigé son journal, déclaration d’amour à Julien, où dominent l’introspection et la recherche de soi.
Les nouvelles qui composent ce recueil, écrites également en prison, puisent toujours aux sources de l’autobiographie, mais dévoilent un autre visage d’Albertine Sarrazin : celui de l’observatrice qui pose un regard empreint de gouaille, de légèreté et de tendresse sur l’univers carcéral qui fut son monde pendant huit ans. Compagnes d’un jour, amies de cœur ou de malheur, garde-chiourme détestables ou gardiennes justes, Albertine Sarrazin campe la comédie humaine à l’œuvre dans ce huis clos qui, par la grâce de son style inimitable, devient expérience littéraire.
Un dernier texte, écrit après sa libération, clôt le recueil : Albertine se voit décernée en 1966 le prix des Quatre Jurys. Elle écrit “Voyage à Tunis” pour décrire son émerveillement de prendre l’avion, de retourner dans son Maghreb natal, mais sait faire preuve d’une ironie féroce et pleine d’humour lorsqu’elle se peint égarée au sein de ce milieu littéraire qui n’est pas sans lui rappeler la communauté carcérale.
Ces nouvelles ont été publiées pour la première fois en 1973, aux éditions Sarrazin.