Je sens que Maman souque pour former ma tête elle ne sait pas ce qu’elle veut elle geint mon Dieu ces yeux ces yeux ces yeux. Elle appuie par-ci elle redresse par-là elle creuse elle aspire elle gonfle mais ça ne va toujours pas et pendant ce temps à l’intérieur de moi ça demande pourquoi je peux pas rester une petite boule rose avec deux yeux dedans ?
Nous ne naissons pas prêts. Pas suffisamment prêts, pas suffisamment bien finis. Nous naissons avec un corps mais nous n’avons pas de mots dedans. Et si c’était l’inverse ? Si nous naissions sans corps achevé, mais avec tous les mots pour penser, avant même d’avoir une bouche pour les employer ? Si nous naissions seulement en étant une petite boule de chair pleine de mots ?
Vous êtes dans Finir l’autre, où la mère – armée d’un rouleau à pâtisserie et d’autres instruments tout aussi improbables – s’attelle à construire un corps en bonne et due forme… sans y parvenir vraiment puisqu’en grandissant, l’enfant nous expose les nombreux dysfonctionnements qui l’empêchent d’être tout à fait comme les autres.
Fantasque, truculent et grinçant, Finir l’autre raconte l’histoire d’un corps qui peine à répondre aux attentes de l’autre et qui refuse pourtant obstinément de rentrer dans le rang.
Après le très remarqué Les corps ravis, Finir l’autre confirme l’écriture et l’univers sans pareils de Justine Arnal, une voix avec laquelle il faut désormais compter.
Qui d’autre qu’Anya Belyat-Giunta pouvait incarner ces circonvolutions de chair, ces tourbillons de langage qui nous emportent et nous grisent ?