« Mon engagement dans le mouvement des femmes m’a amenée à prendre conscience que la reproduction sociale des êtres humains est au fondement de tout système économique et politique, et que si le monde continue de tourner c’est grâce à l’immense quantité de tâches ménagères, payées et non payées, effectuées par les femmes. »
Le point zéro à partir duquel la révolution se propage est celui où de nouveaux rapports sociaux s’imaginent et se créent, déclenchant une onde qui gagne de proche en proche et renverse les structures de la domination. Ce point zéro, soutient Silvia Federici, est localisé dans la sphère privée, site de la reproduction sociale – celle de la main-d’œuvre et de sa force de travail.
Écrits entre 1974 et 2012, les textes réunis dans ce recueil s’articulent précisément autour du concept de reproduction, développé par un courant du féminisme marxiste dont Silvia Federici se réclame aux côtés de Mariarosa Della Costa, Selma James et Maria Mies. Elles sont parties d’un constat : tache aveugle de la théorie marxiste, le travail domestique non rémunéré, essentialisé, est la partie cachée de l’iceberg de l’accumulation capitaliste.
D’où la revendication du salaire ménager, portée dans les années 1970 par le Collectif féministe international puis, au fil des ans, l’élargissement de la réflexion à la restructuration des rapports de classe. Le « nouvel ordre mondial » du néolibéralisme, la crise de la dette et les politiques d’ajustement structurel, les délocalisations industrielles ont créé une nouvelle division sexuelle et internationale du travail qui précarise la vie de populations entières et impose aux femmes du « Sud » d’assumer une part croissante du travail reproductif nécessaire au « Nord ». L’analyse de la guerre économique ainsi engagée contre les femmes appelle les féministes à combattre ce nouveau colonialisme pour rouvrir la perspective politique de l’émancipation en l’associant à la défense des biens communs.