Vingt-quatre heures plus tard deux mille soldats s’élançaient en criant, tonnerre sur le bitume, vacarme dans les airs. Nous attendîmes la pluie de matraques, pétrifiés, mais les soldats s’arrêtèrent à deux mètres, véritable mur de boucliers. “Vous avez dix minutes pour remballer. Ensuite, l’assaut.”
Le claquement d’ensemble des fusils épaulés nous terrifia, mais comme convenu avec Basile nous regardâmes le ciel en sifflotant et en ricanant, affectant de prendre l’ultimatum pour une blague.
Ulcéré par notre nonchalance, l’officier vociféra des menaces de tirs à balles réelles. Les militaires s’agitaient. Ce fut l’instant de flottement qu’espérait Basile.
Voici Le théâtre des oiseaux, sur la scène duquel les adroits jonglent avec des trépans, où une poétesse crache de la boue arythmique, où les industriels agronomes se rêvent organisateurs de séjours touristiques.
Ici les enfants ne distinguent plus le présent du futur, ont définitivement oublié le passé, et se moquent royalement des marques du pluriel. Mais quelle énergie – et il faut bien l’avouer : quelle imagination !
À travers la vie d’une troupe de théâtre saugrenue, Christophe Ségas nous livre une fable désopilante et cruelle. Il pointe les travers d’une société où le désir de pouvoir et l’argent sont seuls maîtres, jusqu’à la folie. Et les oiseaux saltimbanques devront férocement batailler pour ne pas devenir de ces poulets que l’on plume à peine avant de les rôtir.
Pierrick Naud dresse le portrait de cette troupe insolite et les personnages qu’il trace de son trait délié sont empreints de poésie et pétris d’une inhumanité malicieuse.
Le théâtre des oiseaux est le deuxième livre de Christophe Ségas, après Hors le bourbier, publié par les éditions du Chemin de fer en 2013.