Tous nos augures s’accordent ; nous aurions changé d’époque lors de l’année du Virus. Entre la fin de 2019 et le début de 2021, suivant le calendrier occidental (et chrétien). Qu’ils soient philosophes, sociologues, économistes, journalistes, experts et technocrates de tous rangs ; qu’ils prétendent au souci du vivant dont nous sommes et de nos rapports avec ce vivant en voie d’extermination ; ou que dans leur volonté de toute-puissance, ils poursuivent l’accroissement de ses moyens (scientifiques, technologiques, économiques, militaires) – c’est-à-dire la poursuite de la guerre au vivant par d’autres moyens – tous ne parlent, dans leurs rapports et analyses que d’accélération, d’innovation, de basculement, voire de mutation, un mot que nous avons-nous-mêmes mis en circulation. La question se pose dès lors de savoir ce qui a muté à l’occasion de cette « crise sanitaire », et pour devenir quoi.
Voici quinze mois que nous enquêtons là-dessus comme nous l’avons fait depuis deux décennies sur d’autres symptômes et « maladies de civilisation », produits fatals de la société industrielle et de l’organisation scientifique du monde. Ce que nous avons vu à l’œuvre à cette occasion, face à la « machinerie générale » (Marx), c’est l’enquête générale. Jamais nous n’avions eu autant d’échanges, directs et indirects, ni un tel sentiment de camaraderie avec d’autres enquêteurs, en France et ailleurs, scientifiques ou sauvages, fouillant un même objet avec minutie et pugnacité. Notre enquête perpétuelle a profité de ces apports autant que de nos propres efforts. La voici pour contribuer à l’intelligence de ce qui vient et de ce que nous vivons depuis l’hiver 2019.
Les animaux politiques qui écrivent à l’enseigne de Pièces et main d’œuvre depuis 2000 ont publié nombre de livres sur l’incarcération de l’homme-machine dans le monde-machine, parmi lesquels Manifeste des Chimpanzés du futur contre le transhumanisme (Service compris, 2017) et Alertez les bébés ! Objections aux progrès de l’eugénisme et de l’artificialisation de l’espèce humaine (2020).