Rédigées en 1987-88, tandis que Grothendieck vient de refuser le prix Crafoord et qu’il est sur le point de prendre sa retraite de l’Université, ces pages sont longtemps restées inaccessibles, dans les archives familiales. La Clé des Songes, qui paraît deux ans après Récoltes et Semailles (Gallimard), son « témoignage sur un passé de mathématicien », en est le pendant existentiel.
Si ce sont essentiellement les questions spirituelles qui ont préoccupées Grothendieck les quelque derniers vingt ans de sa vie, les réflexions qu’aborde La Clé des Songes s’appuient sur son expérience mathématique. Œuvre-somme qui atteste du cheminement spirituel d’un homme que la communauté scientifique considère comme un penseur pionnier et décisif, ce texte lumineux rend compte, de manière ordonnée et rigoureuse, d’événements biographiques – notamment son enfance et la période passée dans un camp d’internement français pendant la Seconde Guerre mondiale –, de ses investigations sur le rêve, comme point de départ de sa rencontre avec Dieu, mais aussi de réflexions philosophiques sur l’imaginaire, la liberté, la création, le silence et l’écoute…
Le texte est suivi d’une postface de Laurent Lafforgue, mathématicien membre de l’Académie des sciences, portant sur la notion de vérité chez Grothendieck.
Né apatride, issu d’une lignée d’anarchistes russes, médaillé Fields en 1966 et considéré par nombre de ses pairs comme le plus grand mathématicien du XXe siècle, Alexandre Grothendieck (1928-2014) fut maître de recherches au CNRS dans les années 50, spécialisé dans le domaine de la géométrie algébrique. Il intègre ensuite le groupe Bourbaki puis se lie aux mouvements écologistes naissants, s’investissant particulièrement dans la lutte antinucléaire. Il se retira dans les années 1990, préoccupé de questions spirituelles, refusant les honneurs. Il laisse à sa mort quelque 85 000 pages parmi lesquelles La Clé des songes, resté jusque-là inédit.
Né en 1966, Laurent Lafforgue est mathématicien. Médaillé Fields en 2002, il est membre de l’Académie des sciences depuis 2003.