Les politiques de modernisation entreprises dans différents secteurs à partir du début des années 1960 ont été de puissants facteurs de déstabilisation et d’atomisation des individus. L’université a elle aussi été soumise, depuis trente ans, à des processus de modernisation qui ont subverti ses règles de fonctionnement jusqu’à en saper les fondements même.
Ce livre montre que ce que les « spécialistes » ont improprement qualifié de « crise de l’université » résulte d’une hybridation entre deux conceptions apparemment antithétiques : la tentation technocratique et bureaucratique d’un côté et l’adhésion à l’idéologie néolibérale et managériale de l’autre. Les deux n’ayant pu converger que grâce au développement d’un
individualisme exacerbé et de ses avatars : religion du progrès associé aux avancées des technosciences, culte de l’innovation et de la performance, indifférence aux activités d’enseignement, suspicion à l’égard de toute pensée critique, narcissisme lié au désir de reconnaissance, mais aussi envie, haine ou ressentiment.
Devenus incapables, à force de tracasseries, d’injonctions paradoxales, de frustrations et d’ambitions démesurées, de s’opposer aux mutations en cours, beaucoup d’universitaires sont devenus les serviteurs volontaires de dispositifs qui opérent pourtant une véritable destruction des savoirs.