“Vous qui lisez ce livre, vous êtes sans doute comme moi un ou une membre ambivalent(e) de la classe managériale. Je suis une personne appartenant tout au plus à la deuxième génération de cette classe, mais ce que j’en perçois me déplaît, et je suis déterminée à lutter pour redonner une dimension commune à toutes les choses que la classe managériale cherche à monopoliser : la vertu, le courage, la détermination, l’érudition, les connaissances spécialisées, le prestige et le plaisir, ainsi que le capital culturel et le capital réel. Tracer les contours changeants de la classe à laquelle on appartient suppose d’entamer un difficile processus politique d’autocritique.”
Les jeunes cadres ambitieux ne sont plus ce qu’ils étaient ! Des hippies d’hier (leurs ennemis d’antan), les nouveaux yuppies ont hérité du refus des normes professionnelles et hiérarchiques. Ou tout au moins, de « certaines » de ces normes. Tout leur secret est là, dans cette capacité à combiner contre-culture hédoniste, valeurs progressistes et surconsommation.
Le Monopole de la vertu démontre comment cette « classe managériale » a redéfini le débat politique. Il retrace ainsi leur parcours depuis les années 1960 : revirements, hypocrisie, fausse conscience de classe, stratégies culturelles élitistes… Jusqu’à Donald Trump qui, en catalysant le ressentiment populaire à leur égard, s’assura la victoire aux élections présidentielles de 2016.
Loin de tout anti-intellectualisme, la critique de Catherine Liu diffère profondément des médias conservateurs ayant pris pour cible cet avatar américain des « bobos bien-pensants », électeurs de Clinton et Obama. Alors que le débat politique se fait toujours plus binaire, Le Monopole de la vertu livre une réflexion mordante et polémique sur cette classe de cadres intellectuels supérieurs qui, en s’adaptant aux contradictions du capitalisme, lui permettent d’en perpétuer le règne.