Depuis une dizaine d’années, que ce soit sur la ZAD du bois du Tronçay dans le Morvan, dans les bois de Sivens, à Notre-Dame-des-Landes, dans la forêt de Chambaran à Roybon, à Bure ou dans les Cévennes, il est évident qu’il se passe quelque chose du côté de la forêt. Certains ont commencé à habiter ces espaces, tout en intensité, avec la détermination de sortir du monde mortifère de l’économie. Un tout autre rapport au territoire s’y bâtit, à l’opposé de cette science militaire qu’est l’aménagement du territoire – ici contre un barrage, là contre un centre de loisirs, un aéroport, ou une extraction de biomasse.
Mais ce n’est pas qu’une affaire locale : les paysans du Guerrero au Mexique se battent depuis plus de dix ans pour libérer leurs forêts des exploitants, les trappeurs du peuple Cris du Canada défendent la forêt boréale de la vallée de la Broadback contre la déforestation, les Penan de Bornéo forment des barrages et s’arment de sarbacanes contre les compagnies de plantations de palmiers à huiles, dans la forêt d’Hambach en Rhénanie la résistance s’organise pour bloquer l’extraction de lignite à ciel ouvert et la destruction de la dernière forêt primaire d’Europe… Partout des luttes résonnent de cette même idée : la forêt n’est pas un gisement de biomasse, une zone d’aménagement différé, une réserve de biosphère, un puits de carbone ; la forêt c’est un peuple qui s’insurge, c’est une autodéfense qui s’organise, ce sont des imaginaires qui s’intensifient.