Je suis un conteur… Suis-moi !… Je raconte des histoires qui viennent du passé, des histoires de ma ville…
Après Beyrouth en 1995 et Beyrouth Bye Bye en 2015, Barrack Rima pose de nouveau, dans Beyrouth Rewind (2017), un regard acerbe et sensible sur la capitale libanaise, quittée à l’âge de vingt ans. Vingt ans également séparent la création de ces trois ouvrages, qui paraissent aujourd’hui en un seul volume.
Avec cette trilogie, Rima, conteur visuel, nous invite à le suivre dans le labyrinthe de Beyrouth et dans celui de sa mémoire, hanté et aimanté par cette ville rongée aujourd’hui par les promoteurs immobiliers, envahie par les déchets et leur puanteur, dans laquelle il cherche encore et encore les traces du passé, de son passé… Chauffeurs de taxi, conteurs et marchands ambulants, monde grouillant d’exilés et de réfugiés, ville où règnent miséreux et débrouillards, mais aussi l’argent roi, le béton des promoteurs, la corruption et la censure, Oum Kalthoum et Handala : ainsi se côtoient l’endroit et l’envers de Beyrouth, le présent et le passé, les rêves et la réalité…
Dans une narration polyphonique où s’emboîtent les histoires, Rima passe des mouvements de contestation des années 60 à ceux de 2015, de l’espoir qui accompagnait l’après-guerre civile au désenchantement présent. Entre documentaire et science-fiction, il nous donne à voir, avec de grands aplats noirs, Beyrouth comme il la voit, aux mains des tortues ninjas et crocodiles de toutes sortes, promoteurs immobiliers nourris aux pétrodollars et marchands d’illusions qui saccagent la ville, son espace public et son patrimoine, sa mémoire et ses histoires. Loin de s’enfermer dans une tradition régionale, Barrack Rima dépasse les frontières du Liban contemporain, invitant le lecteur à faire un retour sur soi. Que sont devenus nos rêves, nos espérances et nos révoltes ?