Depuis dix ans, François Ruffin visite des usines, voit des ouvriers manifester, désespérer, et avec, toujours, au bout, la défaite.
« Ça lasserait le plus vaillant des soldats, écrit-il, tant de défaites accumulées. Ça m’a lassé. Le dégoût est monté lentement, comme une marée. Mais là, avec les Parisot, il s’est installé, définitif. Il faut préparer la contre-offensive… » Quelle est leur grande trouille ? Leur peur bleue ? Il suffit de peu d’analyse. A chaque intervention du MEDEF, la même rengaine : « Nous attendons des responsables politiques qu’ils écartent toute mesure protectionniste » ; « nous sommes convaincus que nos économies retrouveront le chemin de la croissance à condition que les pays écartent les mesures protectionnistes »… Tous copains sur un thème, patrons européens, américains, canadiens, japonais repoussent ce spectre par un « refus commun de toute forme de protectionnisme ».
Vivement l’avenir ! A condition qu’il ressemble au présent… Plus absurde encore, cette lutte est fondamentale « pour nos économies mais aussi nos démocraties. » Car taxer les importations, c’est bien connu, voilà le prélude du fascisme… Voilà leur talon d’Achille. Contre leur libre-échange, des barrières douanières. Des taxes aux frontières. Des quotas d’importation. La grosse artillerie. C’est notre dernière arme.
Les seules batteries qui les feront reculer. Sans quoi, tel un hamster dans sa cage, nous serons condamnés à faire tourner notre roue, plus vite, toujours plus vite, parce que le hamster allemand, le hamster roumain, le hamster chinois, pédale bien plus vite – ou pour moins cher. Dans cette course mortifère le « travail » est réduit à un coût – qu’il faut sans cesse baisser. La Sécurité sociale, les retraites décentes, le salaire minimum deviennent des boulets qui nous ralentissent.
Les normes écologiques sont des « entraves » pour nos entreprises. A partir de reportages, de rencontres avec syndicalistes, patrons, économistes, douaniers, ce livre explore brillamment cette « hypothèse interdite ».