Au cours des émeutes de 2008, les deux fractions de la petite bourgeoisie, la moderne et la traditionnelle, étaient unies derrière la police contre les pratiques du prolétariat des chômeurs, des précaires, des travailleurs immigrés du secteur informel, ne leur manifestant qu’une sympathie idéale. En 2011, la « crise de la dette » si savamment construite par les grandes familles bourgeoises grecques avait assommé toute la société, les classes moyennes « indignées » rejoignirent le prolétariat sur les places, mais déjà elles avaient pris l’ascendant sur lui : il ne s’agissait plus que de peuple, d’injustice, de distribution, de crédits et de revenus. La crise était devenue celle de l’oppression étrangère, de la légitimité de l’Etat, elle était devenue une affaire nationale. En février et juillet 2012, tandis que les émeutes prolétariennes brillaient de leurs derniers feux, sous le nom de Syriza prenait corps une perspective et une alternative politique qui retravaillait dans ses termes propres toutes les caractéristiques de la crise en cours. La succession des défaites auxquelles avaient contribué Syriza fut alors la condition de son irrésistible ascension électorale par le ralliement de la boutique et de la parcelle paysanne.
Dans les nuits d’émeutes de 2008, c’est la lutte de classe dans toute sa radicalité actuelle qui fait de l’appartenance de classe sa propre limite qui a été repoussée et écrasée, mais elle hante, telle un spectre, les actes suivants du drame. La gauche réaliste et responsable, celle qui a comme programme impossible la reconnexion de la valorisation du capital avec la reproduction de la force de travail, s’annonce quant à elle dans les grands rassemblements de 2011 et le ralliement de l’entrepreneur et du boutiquier. La première semaine de juillet 2015, avec la fermeture des banques, elle s’est évanouie.
Chaque fois le prolétariat était présent, chaque fois il fut vaincu, d’abord en son nom propre, puis au nom de toutes les couches qui s’élèvent au-dessus de lui.