En France, à l’automne 2010, une fraction de la classe ouvrière revit de façon idéale le mythe de l’identité et de l’unité ouvrières. La lutte contre la réforme des retraites synthétise une multiplicité de luttes locales qui ont toutes en commun de mettre en mouvement des fractions ouvrières encore stables mais sérieusement menacées. L’identité ouvrière a alors été revécue de façon idéale dans les deux sens du mot : comme idéal qui serait à atteindre et comme pure illusion. Cet “idéal” a trouvé une forme synthétique adéquate dans le sujet même de la retraite, symbole de la dignité ouvrière.
Mais le combat qui fut mené contre la réforme des retraites était bel et bien celui de notre temps, celui du marché du travail précarisé et segmenté, celui de la crise présente de cette époque du mode de production capitaliste.
Conscience que la revendication ne pouvait être satisfaite, rôle du syndicalisme de base, intrication des grèves et des blocages et le rôle qu’y a joué l’activisme, remise en cause paradoxale du rapport social capitaliste sous le terme d’“économie”, perception momentanée de l’insignifiance du système politique : c’est non seulement à l’implosion de l’identité ouvrière à laquelle nous avons assisté, mais encore à la dynamique actuelle de la lutte de classe où l’appartenance de classe est devenue la limite de la lutte en tant que classe.