L’article principal de ce numéro traite du déferlement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication dans l’Éducation Nationale. Il est centré sur l’étude du rapport d’un haut-fonctionnaire, M. Fourgous, intitulé « Réussir l’école numérique » et qui a été remis au ministre concerné en février 2010. Ce rapport se présente comme un élément essentiel du cadrage de l’institution pour les années à venir. La critique virulente des conséquences présentes et prévisibles de l’invasion numérique de l’école par Florent Gouget s’appuie sur une analyse des contradictions historiques de l’École républicaine, traditionnellement à la fois outil d’adaptation à la domination capitaliste et lieu de transmission des savoirs et de la réflexion. Dans la lignée de L’Enseignement de l’ignorance de Jean-Claude Michéa (1999), l’auteur constate la disparition de cette dimension « humaniste » au profit d’une adaptation de l’école aux conditions modernes de la domination. C’est ainsi qu’il faut entendre les différentes réformes de l’institution menées depuis la fin des années 1980, qui trouvent un parfait appui dans l’introduction massive des NTIC dans les établissements scolaires.
La recension du livre de Charlotte Nordmann, La Fabrique de l’impuissance 2 (éditions Amsterdam, 2008). est l’occasion de préciser cette analyse. Nordmann tend en effet à faire de l’École républicaine, depuis ses origines, un pur objet de légitimation et de reproduction de l’ordre social, et ce essentiellement de par son fonctionnement interne – le principe d’autorité du professeur sur l’élève. Florent Gouget, tout en partageant en partie le constat de Nordman, en souligne les insuffisances. Premièrement, elle dénie toute intention d’émancipation de la part de l’école républicaine et de ses défenseurs, qu’elle renvoie, toutes tendances confondues, à une même position réactionnaire. Surtout, Nordman n’aborde pas la question du type d’organisation sociale à laquelle est liée l’école, et ses changements éventuels depuis Jules Ferry… Étrange discours critique, qui ne dit mot des bouleversements des trente dernières années, dont l’informatisation n’est pas le moindre aspect.