Il s’appelait Ignace Reiss, Steff Brandt, Hans Eberhardt et quelques autres noms d’emprunt rendus nécessaires de par son activité : agent des services secrets de l’Armée rouge. Sa femme, Elisabeth Poretski, raconte l’histoire tragique de cet homme, né sous le nom de Nathan Markovitch Poretski, espion soviétique influent en Europe jusqu’à sa rupture avec Staline en 1937. Celui qui dans son ultime lettre au « Petit père des peuples » revendiquait un autre socialisme, plus authentique, fut retrouvé assassiné un mois plus tard, en août 1937, dans une rue de Lausanne. Une mort orchestrée par les siens.
Le récit historique que relate Elisabeth Poretski montre quelle fut la vie de cet homme et de ses proches, qui ont longtemps cru en leurs idéaux avant de les voir dépérir devant leurs yeux. Les nôtres évoque les enjeux d’une époque, pas encore révolue, marquée par l’affrontement idéologique de deux blocs qui se mettent en place.
Victor Serge, dans un puissant hommage, voit dans cet épisode historique un élément avant-coureur de « la sanglante corruption du régime stalinien [qui] gagne le mouvement ouvrier et les intellectuels avancés d’Occident ».
Nous commençons à le voir aujourd’hui : le règne de la technique a dévasté la nature et enfermé l’être humain dans un processus autodestructeur. Mais il ne trouve pas seulement son expression dans des appareils, des usines, des écrans, des réseaux. Il est ancré au plus profond de nous-mêmes, dans notre fascination pour tout ce qui relève de l’efficacité, de la nouveauté, de la rapidité.
Mobilisant la notion de chair comme fil conducteur, ce livre explore le rapport de l’homme moderne aux techniques, et montre comment il se fonde sur un imaginaire composé autant de mythes sensibles que d’idées abstraites. Cet imaginaire conduit ainsi nos contemporains à considérer comme un sacrifice le renoncement à la puissance que nous procurent les machines.
Pourtant, c’est aussi parce que nous sommes des êtres de chair que le déploiement foudroyant de la puissance technicienne a des effets désorganisateurs, voire déshumanisants. Il est donc vital d’imposer un rythme plus lent et de nouvelles orientations au changement technique. Tâche à laquelle nous sommes bien mal préparés, et dont une des premières conditions est de procéder à une démystification de notre imaginaire technique.
Ce qui n’a pas de prix, ce sont les choses qui nous font vivre : le rêve, l’amour, la passion, l’art, la profondeur... Tout ce qui constitue notre monde intérieur et nos imaginaires collectifs. Tout ce qui est en train de disparaître, aussi, sous le poids d’une marchandisation effrénée à laquelle plus rien n’échappe, pas même la beauté.
Comment résister à l’asservissement de nos consciences et à l’extinction de nos vrais désirs ? Peut-on encore sauver l’imagination dans ce déferlement d’images ?
Dans cet essai, Annie Le Brun poursuit sa réflexion sur la beauté comme geste politique et propose une autre façon de regarder les œuvres d’art et de penser par elles, contre les « kits de liberté personnalisés » qu’on nous vend de toutes parts. À travers son regard, le lecteur découvre des rapprochements inattendus, des paysages inexplorés : un voyage au cours duquel surgissent nos désirs ensevelis, une liberté nouvelle et d’autres utopies.
Qui était Jacques Vaché, celui à propos duquel André Breton a écrit : « il est surréaliste en moi » ? Météore dans le ciel des révoltes logiques, poète et artiste sans œuvre mais non sans destin, Jacques Vaché a durablement marqué de son empreinte l’invention de l’esprit moderne. Dans ses Lettres de guerre il initie en effet le fondateur du surréalisme à une autre manière d’appréhender sensiblement le monde et l’invite avec Umour (sans « h ») à refonder poétiquement la vie.
Entre évocations épistolaires du quotidien de la guerre et fulgurances poétiques adressées du front à différents correspondants, le film s’attache à restituer l’itinéraire biographique et intellectuel de celui qui deviendra l’incarnation mythique de l’esprit de « désertion » à l’origine de Dada et du surréalisme - de son adolescence révoltée à Nantes à sa tragique et controversée disparition dans cette même ville en 1919.