Édité pour la première en français en 1968, épuisé depuis la fin des années 1970, ce classique oublié rappelle la relégation toujours d’actualité des enfants pauvres. Mais ici la critique de l’école reproductrice d’un ordre social injuste est formulée par ceux qui le subissent.
« Chère Madame,
Vous ne vous rappellerez même pas mon nom. Il est vrai que vous en avez tellement recalés. Moi, par contre, j’ai souvent repensé à vous, à vos collègues, à cette institution que vous appelez l’“école”, à tous les jeunes que vous “rejetez”. Vous nous rejetez dans les champs et à l’usine, et puis vous nous oubliez.
Il y a deux ans, en première année à la Normale, vous m’intimidiez. J’ai d’abord pensé que c’était une maladie que j’avais, ou que peut-être ça tenait de ma famille. Plus tard j’ai cru que la timidité était un mal des pauvres, que les ouvriers laissent aux fils à papa tous les postes de commande dans les partis et tous les sièges au parlement. La timidité des pauvres est un mystère qui remonte à loin… »
Extrait de l’avant-propos de Pier Paolo Pasolini
C’est un livre qui m’a immensément plu parce qu’il m’a tenu constamment en haleine, entre éclats de rire, véritables, physiques, et nœuds à répétition dans la gorge. C’est ce qu’on ressent devant des livres qui redécouvrent quelque chose de manière inédite et neuve, et qui offrent comme un sens de vertige, de liberté, par leur jugement du monde qui nous entoure. Avec ce livre, je me suis retrouvé plongé dans l’un des plus beaux que j’ai lu ces dernières années : un texte extraordinaire, pour des raisons littéraires aussi. On y trouve d’ailleurs l’une des plus belles définitions de la littérature que j’ai jamais lues : la poésie serait une haine qui, une fois examinée en profondeur et clarifiée, devient de l’amour.