Le Mythe bolchevik est un témoignage rédigé par l’auteur à partir d’un journal qu’il a tenu pendant son séjour en Russie de 1920 à 1922, vraisemblablement le seul de cette période décisive. Son objet essentiel est la vie profonde des millions d’êtres humains qui n’ont vécu que pour la Révolution, dislocation bénéfique, "dislocation totale de la vie". Il pourrait être intitulé "Choses vues et entendues sur la scène révolutionnaire".
Rencontres, petits ou graves incidents, portraits (en l’occurrence Kropotkine, Lénine, Makhno) se succèdent ; le visage de la Révolution se complexifie, les apparences évoluent, se défont voire s’effondrent, des inquiétudes naissent. Sous ce polyptique de la Révolution soviétique, on peut distinguer trois moments distincts : l’enthousiasme spontané devant "la plus grande Révolution du monde" et l’indignation quand un orateur anarchiste, brisant l’unanimité heureuse, ose évoquer des conflits possibles entre anarchistes et communistes ; le doute qui naît quant à la nature et à l’authenticité de cette Révolution.
N’est-ce pas Kropotkine qui a raison quand il déclare : "Ils ont montré comment la Révolution ne doit pas être faite" ? les doutes qui s’effacent et laissent place à un jugement critique d’autant plus sévère qu’il est amplement confirmé par la répression ouverte et sans scrupule de la rébellion prolétarienne de Kronstadt. Il ne s’agit plus de la dictature du prolétariat mais d’une autre forme de dictature sur le prolétariat.
La NEP procède à l’installation d’un capitalisme d’Etat. Le bolchévisme se caractérise par la substitution du Parti aux Soviets de telle sorte que le nom de "république soviétique" équivaut à une usurpation. Contrairement aux attentes des masses révolutionnaires, la Révolution bolchévique, loin d’aboutir à une société émancipée, donne naissance à une nouvelle forme de domination. En termes machiavéliens, de nouveaux Grands, de nouveaux maîtres sont apparus pour dominer le peuple.
Bref, la Révolution bolchévique, en tant que Révolution, est un mythe.