Alors que l’ébranlement politique initié fin octobre 2018 continue de se propager semaine après semaine, cet essai en propose une lecture décentrée. Non pas une explicitation de ses causes et de ses raisons d’être, mais une mise au jour de ses potentialités, soutenues par certaines tendances plus lourdes dans l’histoire récente des mouvements sociaux. Inédite dans ses formes d’action et dans son efficacité politique, la mobilisation des gilets jaunes est à la fois l’expression dernière d’un ancien régime de contestation et l’annonce de sa mutation, après l’affaiblissement, la fracturation et la décomposition des syndicats et de l’ensemble de la gauche et de l’extrême-gauche.
Comme le mouvement des places ou des ZAD, mais à partir d’une composition sociale et politique distincte et d’un ancrage territorial plus fort, elle fait aussi de la localité la nouvelle scène cardinale de la politique extra-parlementaire. Elle engage donc à une réflexion historique et théorique sur les formes instituantes que pourraient prendre des gouvernements autonomes à cette échelle (municipale ou de quartier) et sur leurs liens éventuels avec une politique écologique conséquente, à l’ombre de la catastrophe climatique annoncée.
La leçon des gilets jaunes est alors la suivante : la politique de la Commune, ou des communes, n’est pas qu’une lubie d’anarchistes et de révolutionnaires sans révolution. C’est un appel venu du futur auquel les mouvements sociaux à venir auront à répondre.