Indisponible en français depuis quelques années, l’ouvrage a entretemps touché un plus large public, à la faveur d’une traduction italienne. Ce livre brosse le tableau des changements survenus dans le monde du vin au cours du 20e ? siècle. En quelques décennies, une logique industrielle a soumis l’univers des produits de la vigne à de nouveaux schémas d’élaboration et d’appréciation. Envisagée sous l’angle technique d’une maîtrise accrue des phénomènes fermentaires, cette sujétion industrielle a paru commode à la production et rassurante à la consommation.
Le vin étant un objet vivant, exposé durant son élaboration à de possibles maladies et dégradations, sa connaissance moderne – l’oenologie scientifique née des premiers travaux de Pasteur – a pour objet l’élimination du hasard, considéré sous son seul aspect de risques et d’évolutions malencontreuses. De cette sécurisation technologique dans l’élaboration des vins aura résulté une incontestable diminution de breuvages altérés et impropres à la consommation mais aussi une reconfiguration du goût, qui est précisément l’objet de ce livre.
Depuis la première publication de Dionysos crucifié, sa critique radicale du vin à l’heure de son industrialisation massive aura montré toute sa pertinence et son actualité. A partir d’une théorie générale du goût dans la société contemporaine, l’auteur décrit le destin particulier de cette boisson plurimillénaire, entre artisanat plus ou moins luxueux et production à grande échelle. Nouvellement préfacé, l’ouvrage évoque également l’émergence, en ce domaine comme en d’autres, d’une résistance artisanale inattendue, avec ses avancées positives mais aussi ses limites intrinsèques.
En s’interdisant tout moyen artificiel dans la vigne comme dans les caves, le mouvement des "vins nature" s’inscrit certes en faux contre le processus général d’industrialisation des vins, sans peut-être questionner suffisamment les tendances simplificatrices à l’oeuvre dans l’esthétique gustative dominante.