Le mouvement des communes ukrainiennes est un épisode peu connu. Il est vrai qu’il n’a concerné que quelques milliers de personnes dans les premiers mois de 1919 et n’a guère survécu à la conquête de la région par Dénikine, même si certaines ont pu se maintenir jusqu’en 1935. Constituées par des paysans parmi les plus pauvres, et bien soutenues au début par le pouvoir bolchévique, elles représentent pourtant la tentative la plus aboutie de réaliser l’idéal communiste, et même libertaire : démocratie directe, égalité radicale et communion humaine. Les communards vont toutefois se trouver en butte à l’hostilité du reste de la paysannerie, à l’indifférence des makhnovistes qui ne prônaient que le simple partage des terres, et finalement à la prudence des autorités soviétiques qui cesseront de les encourager après leur reconquête de l’Ukraine, au début de 1920. En brossant le tableau détaillé de l’utopie communarde, l’étude novatrice d’Eric Aunoble – qui a travaillé sur des archives inexploitées – permet d’étudier à nouveaux frais les débuts de la révolution bolchévique, puis ses reculs. Elle constitue une ouverture exceptionnelle sur la pénétration des idées communistes dans les populations, révélant ce paradoxe que c’est finalement au sein de la paysannerie, plus que parmi la classe ouvrière, que sont apparues les forces de transformation sociétale les plus radicales.