Il n’est pas un jour où la peur de chuter dans l’anomie ne se rappelle à nous, et où la crainte de " la " privation, la peur d’un monde dangereux ne se manifestent.
Le spectre de la souffrance psychique et sociale se superpose à une quête de fête, de réussite, de jouissance, empêchant nos vies de s’ouvrir à l’imprévu. L’insistance sur le bien-être cache à la vérité une dépendance envers de nouveaux conditionnements. Derrière l’impératif de la performance, la pâle injonction au bonheur pour tous, au travail salvateur mais peu intégrateur, faute de motivation, il se profile une organisation confuse, et néanmoins appliquée, de la misère morale, qui prend des formes variées pouvant aller de la simple plainte à la franche pénibilité au travail, à l’obsession du harcèlement, à la morbidité en prison, voire au passage à l’acte violent.
La politique de santé mentale concourt-elle à cette dégradation du " sujet " en " individu " formaté par un idéal de conformité ? Dans quelle mesure participe-t-elle d’une volonté d’imposer une lecture univoque des crises du sujet ? Et quels sont les moyens de remédier à cette pente fatale présentée comme un mouvement irréversible ? Il est impératif de juger de la société à la façon dont elle traite ses fous, ses déviants, ses fatigués de la vie.
Et par conséquent aussi à celle dont on considère les bien-portants, fussent-ils les victimes indirectes de cette hécatombe psychique et morale.