Que ce soit pour se nourrir, s’éduquer, travailler, se loger ou même désormais se rencontrer, créer, échanger ou se parler, nous dépendons des fluctuations du marché, de normes et règlements édictés par les bureaucraties d’État et d’entreprise, ainsi que d’un gigantesque appareil techno-industriel. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. Pendant très longtemps, et jusqu’à une période récente, les sociétés ont reposé sur la capacité de leurs membres, artisans, paysans et ouvriers, à produire eux-mêmes leurs outils, leurs moyens de subsistance et à développer leur propre culture.
Le capitalisme, l’État et la société industrielle ont dépossédé les individus et les communautés de leurs capacités de jugement et de décision, de leurs instruments de travail et de leurs savoir-faire originaux, en bref de tout ce qui leur permettait de vivre ensemble dans une certaine harmonie et de manière autonome.
Pourtant, « soyez autonomes » est une injonction du néolibéralisme. Elle signifie : « adaptez-vous, soyez vous-même et ne comptez que sur vous ». Ce livre montre qu’au contraire, l’autonomie réelle, épanouissante, porteuse de liberté, consiste à assumer notre dépendance à la nature et aux autres, à s’appuyer sur nos capacités et celles d’autrui pour bâtir une société solidaire, une technique et une vie décentes, à la mesure des humains. Cette autonomie-là trouve écho dans les résistances et les luttes chez celles et ceux qui, sans forcément attendre le grand soir, défendent leurs modes de vie, leur savoir-faire et construisent l’utopie ici et maintenant.