Avec Tarzan contre la vie chère, Stéphane Trapier rejoue les cow-boys et les Indiens, il refait l’attaque de la diligence, les duels au soleil, les règlements de compte, les capes et les épées, les ors et les perruques, la flibuste et les mystères de la jungle. Ouvrir Tarzan contre la vie chère, c’est retrouver à chaque page les scènes initiatiques du cinéma du dimanche soir : les baisers, la sauvagerie, les corps à corps, l’héroïsme, la trahison, le crime… Mais les retrouver comme suspendues par le dessin, comme figées hors de leur temps, irrémédiablement arrachées à notre enfance.
Car ni les cow-boys, ni les belles marquises, ni les centurions ne parlent plus la langue, si niaise, si sentencieuse et si profonde, que nous leur connaissions jadis. Que leur est-il arrivé ? Ont-ils regardé la télé à leur tour ? Ont-ils fréquenté en cachette la machine à café du bureau ? Ont-ils lu 20 Minutes avant d’enfiler leur costume ? Comment expliquer sinon leur soudaine préoccupation pour les RTT, la dette souveraine, le mariage pour tous ou le bilan carbone ?
Il faut se rendre à l’évidence, Stéphane Trapier a tenté ici le reboot ultime : faire parler aux héros d’autrefois le langage de notre époque — les petits dialectes politiques, économiques, publicitaires et managériaux que Trapier excelle à capter et à restituer. D’ailleurs, chez Trapier les héros ne sont jamais fatigués de bavarder. À preuve Tarzan lui-même, singeant l’élu écoresponsable pour épater sa fidèle compagne : « Tu verras, Cheetah, un jour nos pagnes seront fabriqués dans des pays où le coût du travail est dérisoire, et nous les achèterons dans des enseignes aux prix alléchants… J’appellerai ça la mondialisation positive ! »
Et puis de toutes façons, l’ouvrage est précédé d’un « Almanach 2007 des trucs sympas » qui justifie à lui seul sa présence en tête de gondole.