Pour Orwell, "le concept de vérité objective est celui de quelque chose qui existe en dehors de nous, quelque chose qui est à découvrir et non qu’on peut fabriquer selon les besoins du moment". Le plus effrayant dans le totalitarisme n’est pas qu’il commette des "atrocités" mais qu’il s’attaque à ce concept. Pourtant, cette perspective d’un monde d’où l’idée de vérité objective aurait disparu n’effraie guère la plupart des intellectuels de gauche.
Qu’ils se réclament de Rorry le "libéral" ou de Foucault le "subversif", ils y travaillent activement en proclamant que ces idées sont dépassées, dogmatiques et finalement réactionnaires. Cet essai montre que "préservation de la liberté et préservation de la vérité représentent une seule et indivisible tâche, commune à la littérature et à la politique". Celle-ci ne présuppose aucun postulat métaphysique mais seulement la reconnaissance du rôle fondamental que joue dans nos vies le concept commun et ordinaire de "vérité".
De tels débats ne sont pas "purement philosophiques". O’Brien, le dirigeant politique qui torture méthodiquement le héros de 1984, n’est pas un colonel parachutiste mais un philosophe cultivé, ironiste et courtois, professant qu’il n’y a pas de réalité objective et que "tout est construit".