Illusio n° 4/5
Dans ce nouveau numéro, Illusio poursuit son aventure théorique en explorant le vaste thème de la libido. Quelles interprétations, aujourd’hui, sont-elles privilégiées : le plaisir, la jouissance, la sexualité, la sublimation, le genre, la souffrance, la domination, la performance ? Et, dans une perspective critique, quels sont les intérêts, les enjeux, les illusions qui construisent et déconstruisent cet objet ? Indissociable du corps, de la sexualité, de la mort et de la vie, la libido est interrogée, notamment, comme pulsion de savoir, d’envie de connaître et de désir de recherche qui tendent à disparaître à mesure que la sexualité s’expose et s’impose dans les cadres normatifs de la société contemporaine. En effet, si le lien structurel entre le refoulement sexuel et l’interdiction de penser a été clairement établi par Sigmund Freud, il n’en demeure pas moins que l’explosion « médiatique » du sexe, son omniprésence dans l’espace du quotidien, son intégration brutale et massive dans les rouages de la société capitaliste tendent aussi à la fonctionnalisation, à l’atrophie, au rabaissement, à la mise en conformité de la pensée.
Illusio a voulu réaffirmer que si les domaines de la libido et de la sexualité sont plaisirs et jouissances, ils demeurent également souffrances, asservissements, exploitations et réifications des corps. À cet égard, l’institution sportive est un appareil de pointe dans la perpétuation de la domination des mâles, dans le développement du machisme et de la phallocratie au travers de la comparaison, du classement et de la hiérarchisation des performances. D’ailleurs, pour assurer la production rationnelle de ces performances sportives, la sexualité entre dans le champ des paramètres à maîtriser, et l’institution sportive participe activement de la répression sexuelle institutionnelle par le détournement des pulsions libidinales vers le simulacre de la jouissance du mouvement sportif. Le corps sportif devient ainsi véritable machine à produire du mouvement cadencé, rentable et valorisé, qui fait disparaître toute présence érotique et sensible au monde. Cette destruction du « corps d’amour » est patente chez les femmes qui ont à subir les réflexions machistes, les gestes déplacés, les assauts et les violences sexuelles physiques des entraîneurs, cadres techniques, médecins, kinésithérapeutes, ostéopathes, journalistes ou des brutes viriles qui partagent leurs séances quotidiennes ou hebdomadaires d’entraînement.
Contre ce processus global de déshumanisation, il convient de lutter, d’analyser, de dénoncer la barbarie sportive que cela soit dans ses atteintes à l’intimité du corps ou dans ses manifestations spectaculaires aux effets sociopolitiques dévastateurs. C’est à ce titre que le boycott des Jeux olympiques de Pékin est une urgence absolue pour tous ceux qui militent pour l’émancipation des peuples. L’organisation de ces Jeux – et généralement de l’ensemble des compétitions sportives –, effet de la libido déviante et perverse de la société de consommation, de la compétition et du spectacle capitaliste, est une véritable entreprise de promotion du totalitarisme chinois, une acceptation de la géopolitique guerrière, des exactions, violences, assassinats commis par le régime chinois. Dans ces conditions, croire que les Jeux olympiques favoriseraient l’essor d’une démocratie en Chine relève d’une fausse conscience enracinée dans la propagande olympique.
Car, si par hasard, l’humanité se dévoile lors de cette organisation olympique, elle le fera sur son versant inhumain. L’olympisme s’est bien accommodé de la croix gammée, des goulags, il est prêt demain à soutenir l’État liberticide, impérialiste, expansionniste, assassin, esclavagiste chinois avec l’accord de tous les sportifs du monde. Pour cela et pour combattre ces formes de domination il n’y a qu’un seul mot d’ordre : boycottons les Jeux olympiques de Pékin !