Dans le débat public, les diagnostics alarmistes sur la " crise de l’Etat-providence ", et les procès contre l’Etat-redistributeur, ont laissé place à toujours plus d’injonctions à " réformer l’Etat ".
Cette " réforme de l’Etat " est devenue le point de ralliement des élites (de droite comme de gauche), des décideurs européens, mais aussi des intellectuels les plus écoutés, des journalistes, voire des syndicalistes, comment en témoigne le succès médiatique, en 2000, sous la direction de Bernard Spitz et Roger Fauroux, Notre Etat, devenue la Bible des " réformateurs ". Qu’est-ce que recouvre ce programme de " réforme de l’Etat ? Comment a-t-il été mis en oeuvre depuis dix ans ? Quelles conséquences pour le service public et les usagers ? Comment, au quotidien, les fonctionnaires font-ils " avec " ? Ce livre s’efforce de répondre à ces questions en mobilisant plusieurs points de vue et leurs expériences, des fonctionnaires, des usagers, des syndicalistes et des chercheurs.
Ce livre était nécessaire pour comprendre une révolution silencieuse. Car, si les réformes néolibérales de l’Etat s’effectuent parfois à grand renfort de publicité (privatisation de La Poste, restrictions des budgets de l’hôpital public ou de l’Education nationale), elles sont le plus souvent invisibles, et ne rencontrent que des protestations sectorielles, peu coordonnées, encore moins médiatisées.
Elles passent par tel décret, telle directive, telle circulaire, voués à demeurer obscurs et confidentiels, dans certains cas élaborés par des cabinets d’audit privés... La plupart, et parmi les plus structurelles, passent inaperçues, sauf pour ceux qui en affrontent directement les conséquences : disparition des directions départementales des ministères, réorganisation managériale des services publics, démantèlement des statistiques publiques, révision générale des politiques publiques, partenariats public-privé, paupérisation des services publics pour mieux attester de leur inefficacité, ouverture de la concurrence entre public et privé (Poste, ANPE), sous-traitance des missions de service public, précarisation de l’emploi, etc.
Au terme de ce voyage dans la " réforme de l’Etat " et ses effets, c’est le paysage des services publics, de nos services publics, que l’on voit silencieusement se dissoudre dans la logique néolibérale.