MENU

ouvert du mardi
au samedi de 13h à 20h
23 rue Voltaire 75011 Paris
quilombo@globenet.org
01 43 71 21 07

Mathias Gardet : Nous sommes venus en France

Nous sommes venus en France

Voix de jeunes Algériens, 1945-1963
Aller au panier

Sur les lieux d’un ancien centre d’observation de la justice des mineurs, Mathias Gardet a découvert les dossiers de centaines de jeunes Algériens isolés arrivés en France entre 1945 et 1963. Face aux récits des adolescents, la parole de l’institution judiciaire, éducative, policière, psychiatrique oppose un écho glaçant et empreint de racisme.

Au cours des dernières décennies de l’Algérie coloniale, de jeunes « Français musulmans d’Algérie » (garçons ou filles) choisissent devenir en Métropole, seul·es, pour rejoindre qui une cousine, qui un père ou un mari, ou simplement encore trouver un travail et une vie meilleure. Arrêté·es pour vagabondage ou de petits délits, ils et elles sont retenu·es quelques mois dans un centre d’observation en attendant la décision d’un juge.
Les dossiers individuels de la Ferme de Champagne à Savigny-sur-Orge (pour les garçons) et de Chevilly-Larue (pour les filles) contiennent les retranscriptions d’entretiens, travaux de rédaction et dessins, tests psychologiques et commentaires ou enquêtes des travailleurs sociaux de l’institution. Dans le décor de ces lieux chargés d’histoire, l’historien Mathias Gardet a d’emblée été saisi par la voix de ces jeunes relatant leurs itinéraires, les difficultés de la vie, la spontanéité drôle et cruelle qui affleure dans ces paroles suscitées par l’institution et, loin de la guerre ou de la délinquance, les aspirations ordinaires d’adolescents. Par leurs désirs d’émancipation, leurs histoires d’amour, la confrontation avec la « raison » des adultes, ces jeunes gens ne sont pas sans rappeler l’Antoine Doinel des 400 coups. En face, dans un véritable dialogue de sourds, le discours des professionnels et de l’institution est marqué par la sévérité parfois inquisitrice des jugements biaisés et le racisme omni présent. La surprise est aussi de rencontrer parmi ces mineurs isolés des jeunes filles, moins nombreuses certes, ayant eu l’audace incroyable de quitter leurs familles et de s’élancer seules dans un monde patriarcal hostile.
Soucieux de restituer leur parole, l’auteur a choisi le dispositif d’un récit choral « à hauteur d’enfants », un « nous » qui incarne à la fois des itinéraires singuliers et une communauté de destins. Du récit de la traversée en bateau, le périple en train depuis Marseille, à la vie dans les hôtels meublés, de l’école aux petits boulots, des sorties au bal ou au cinéma, des expériences sexuelles aux rêves d’adolescents, les trajectoires individuelles des jeunes placés résonnent aussi avec les réalités de la situation coloniale. En regard, l’historien narrateur entraîne le lecteur sur le fil de ses pérégrinations au travers des archives dévoilant à chaque fois un envers de l’histoire des enfants : voyage de papier dans l’Algérie des années 1950, doctrines d’éducation sexuelle, enquêtes des services sociaux etc. Ce magnifique travail d’historien raconte la naissance d’une archive et restitue, de la façon la plus incarnée, un pan de l’histoire de la France coloniale.

Page : 0.27 s186 requêtes2.5 Mo0.75 • 0.64 • 0.61