Les Tsiganes (Rroms) et leur histoire sont très largement méconnus et font l’objet de nombreux stéréotypes qui contribuent à donner d’eux une vision intemporelle, comme s’ils ne s’étaient pas adaptés aux évolutions de leur temps et n’avaient pas interagi avec les sociétés au contact desquelles ils se sont trouvés. Cette vision des Tsiganes vivant dans une bulle immuable et anhistorique est erronée : au cours des siècles, ils ont modifié leurs activités économiques, leurs pratiques langagières, leur style de vie.
Dans le présent ouvrage, Bernard Lory reprend l’enquête historique à sa base, par la collecte de sources primaires aussi variées que possible, écrites entre la fin du XIIIe siècle et le début du XXe siècle. Spécialiste de l’histoire des Balkans, il a limité son étude au Sud-Est de l’Europe (Grèce, Albanie, Bulgarie, Turquie d’Europe, Macédoine, Serbie, Kosovo, Monténégro, Croatie et Bosnie-Herzégovine), vaste territoire où les populations tsiganes sont nombreuses. Cette approche géographique est largement conditionnée par le facteur ottoman, puisqu’elle concerne des territoires qui furent sous son administration directe et prolongée.
Au total, ce sont 157 documents traduits du grec byzantin, du slavon, du turc ottoman, du latin, de l’allemand, de l’anglais, du serbo-croate, du bulgare ou du macédonien. Chaque texte est introduit, pourvu des notes explicatives indispensables, commenté et mis en rapport avec d’autres sources au contenu voisin. Le lecteur se rendra compte qu’il n’y est pas question de roulottes et fort peu de musique ou de bonne aventure. En revanche le métier de forgeron est central, les questions de fiscalité sont omniprésentes et les relations complexes entre Tsiganes et Gadjos se déclinent avec beaucoup de subtilité.