MENU

ouvert du mardi
au samedi de 13h à 20h
23 rue Voltaire 75011 Paris
quilombo@globenet.org
01 43 71 21 07

l’éditeur du moment | Quilombo Boutique-Librairie

Les éditions nada, tout ou rien !

Fondée en 2013, les éditions Nada s’inscrivent dans un long cheminement personnel et collectif. Au début des années 2000, Rachel Viné-Krupa et David Doillon se retrouvent au sein du groupe Marée Noire, à Nancy, association adhérente de la Fédération anarchiste. « Nous faisions des brochures de textes anarchistes que nous diffusions sur des tables de presses, dans des salons du livre libertaire, en manif ou pendant des concerts, dans des squats, etc. Nous avons également monté une autre association, Chamboultou, où nous étions plus libres du choix des textes que nous éditions. » Tout cela en parallèle d’études universitaires puisque Rachel écrit alors une thèse sur l’artiste peintre mexicaine Frida Kahlo et David un DEA sur l’anarchiste mexicain Ricardo Flores Magón. Et puis, « peu à peu, nous avons eu envie de réunir nos activités, universitaires et militantes, et de produire des ouvrages plus conséquents, que le format photocopié-agrafé-plié ne permettait pas. Et aussi de ne pas rester cantonnés aux milieux militants stricto sensu, ou universitaires, et de pouvoir toucher, et sensibiliser, d’autres personnes ». La suite logique, surtout dans le milieu libertaire pour qui le livre a toujours été un outil d’émancipation, a donc été la création d’une maison d’édition.

Tous les deux s’occupent de toutes les tâches en interne et décident de tout ensemble. Si Rachel s’occupe plutôt des bandes dessinées et de la littérature, David travaille quant à lui sur l’histoire des mouvements révolutionnaires et de la pensée anarchiste. Par ailleurs, ils se sont entourés de professionnels qui les accompagnent dans la réalisation de leurs ouvrages. « Cédric Biagini, avec L’ADGP, notre graphiste, réalise depuis le début les couvertures de tous nos livres et les maquettes intérieures des beaux livres, BD et projets exceptionnels. » D’où la beauté de leurs ouvrages, et des chartes graphiques très identifiées par les libraires. « Si au début, pour la correction, nous avons été aidés bénévolement par des amis correcteurs (Guillaume Goutte, André Bernard, Michèle Crès), nous faisons appel aujourd’hui à Nicolas Fresnau, que nous avons maintenant les moyens de rémunérer pour cette tâche. Pour les traductions, nous travaillons régulièrement avec Romain Guillou et Marie Brazilier pour l’anglais et Sébastien Rutés pour l’espagnol. Nous essayons de rester fidèles aux personnes qui nous accompagnent et sans qui les éditions Nada ne seraient pas ce qu’elles sont. » Après avoir commencé par publier deux ou trois ouvrages par an, la maison d’édition publie depuis quelques temps une petite dizaine de livres chaque année.

En ce qui concerne la diffusion, « nous privilégions le réseau des librairies indépendantes et depuis juin 2019, en accord avec notre distributeur, nous ne vendons plus nos livres sur Amazon ». De plus, « nous sommes diffusés par Hobo diffusion, structure que nous avons-nous-mêmes créée en 2012, et distribués par Makassar. La création d’Hobo répondait à un besoin, pour de petites structures, de pouvoir accéder au circuit des librairies classiques et ne pas se cantonner aux réseaux militants. L’autre objectif est de lutter contre la concentration du secteur par les grands groupes éditoriaux et de distribution et d’ouvrir une brèche dans le marché du livre ». Pari tenu et gagné puisqu’après douze ans d’activité, Hobo diffusion est passé de 2 à 6 salariés et de 30 maisons d’édition représentées à plus d’une centaine !

Depuis la création des éditions Nada, nous n’avons eu de cesse de mettre leurs publications bien en avant, soit à travers des rencontres (plus d’une quinzaine d’événements organisés autour de leurs livres mine de rien !) soit avec des piles bien garnies sur nos tables. Effectivement, il y a beaucoup de belles lectures dans lesquelles se plonger mais impossible de rendre compte de tout ici. S’il fallait retenir certaines publications, qui ont compté pour Quilombo, nous opterons pour Un Ruban autour d’une bombe, l’autobiographie textile de Frida Khalo, de Rachel Viné-Krupa (la même que l’éditrice !), et de Maud Guély. Un très beau et bon livre illustré qui a permis l’une des premières expositions de la librairie. Pancho Villa, d’Ekö et de Paco Ignacio Taibo II (dont les gravures ont également été exposées au 23, rue Voltaire), et qui a été présenté par l’écrivain mexicain en personne ! Et comment ne pas parler de David Snug, l’inégalable dessinateur de « bédés » ? Vous l’avez peut-être découvert grâce à ses strips dans La Feuille qu’il nous fait l’amitié de dessiner. Ou alors dans ses bandes dessinées Dépôt de bilan de compétences – une critique drolatique du monde du travail – Ni Web, ni master – la BD technocritique de référence – ou En Marche ou grève, qui vient de paraître et qui retrace une année d’actualité politique avec des chroniques sociales et décalées, toujours hilarantes. Snug fête chacune de ses nouvelles parutions avec une séance de dédicaces à Quilombo suivi d’un concert avec son groupe Trotski Nautique – et comme il le dessine : « Y’a bonne ambiance » à chacune de ces soirées déjantées !

Côté prochaines parutions, que du bon ! En ce printemps, « La petite bibliothèque anarchiste » (collection présentée dans le troisième numéro de La Feuille) accueille deux nouveaux titres avec Alpinisme & anarchisme de Guillaume Goutte ; un essai qui met en lumière un espace où la solidarité et la liberté forment un socle de valeurs communes. Et Refuser de parvenir coordonné par le CIRA Lausanne ; un recueil qui propose de découvrir différents aspects de ce principe radical d’insoumission qu’est le refus de parvenir, cher à nous autres, anarchistes. Et avec un peu de patience, nous verrons bientôt les anarchistes Sakae Osugi, Nestor Makhno, Joseph Déjacque rejoindre la collection aux couvertures aussi percutantes qu’une balle de browning. Avec Renaud Garcia se poursuit la réédition des œuvres complètes de Pierre Kropotkine, le « prince anarchiste », puisque son autobiographie, Mémoires d’un révolutionnaire paraîtra sous peu. Après Agissez par vous-mêmes, L’Entraide (l’un des meilleurs livres de théorie libertaire, grand classique que nous avons vendu à plus de 300 exemplaires à Quilombo) et La Conquête du pain, La littérature russe, un inédit, et d’autres ouvrages sont également prévus au programme ces prochaines années, toujours avec les mêmes magnifiques couvertures en Arts & Crafts, à la William Morris. En littérature, après Esquisses révolutionnaires de John Reed, Juifs sans argent de Michaël Gold, Revenir à Naples de Paco Ignacio Taibo II et Retour à Harlem de Claude McKay, Boxcar Bertha de Ben Reitman – « roi des hobos », libertaire et compagnon d’Emma Goldman – paraîtra début mai. Publié en 1937 et porté à l’écran par Martin Scorsese en 1972, ce classique de la littérature de la route est un voyage trépidant dans l’Amérique des laissés pour compte. Enfin, avec Jean-Marc Delpech, historien spécialiste d’Alexandre Jacob, que nous saluons bien fraternellement, et avec qui Nada a déjà collaboré à plusieurs reprises (Voleur et Anarchiste, Les Hommes punis), se prépare une formidable anthologie des déclarations de procès des anarchistes de la fin du XIXe début du XXe siècle, Anarchiste ? Parfaitement ! Où l’on découvrira l’art des anars de transformer ces terribles moments en tribunes et en propagande offensive pour la justice et la liberté. Nous avons sacrément hâte !

À propos du monde du livre tel qu’il est aujourd’hui, malgré le fait que l’édition n’échappe pas aux écueils du capitalisme selon eux, Nada semble optimiste : « nous essayons d’y porter d’autres valeurs, et d’autres façons de faire. Outre les idées que nous promouvons dans notre catalogue, nous essayons d’agir en conséquence. » Et puis, « du fait de notre double activité, celle d’éditeur et de diffuseur, nous sommes à un carrefour dans la chaîne du livre et en contact permanent avec les libraires et d’autres maisons d’édition », ce qui rend des « échanges particulièrement stimulants intellectuellement et politiquement ». Et ce qui permet de plus une belle entraide au sein de leur communauté et une mutualisation sur bon nombre de choses comme les partages de contacts, de compétences, de bons plans concernant les salons.
Déjà dix ans que les éditions Nada publient des livres, cela ne nous rajeunit pas des masses. Mais souhaitons-leur le meilleur pour les années à venir, et plutôt tout que rien !

(merci à David Snug pour la très chouette illustration !)

www.nada-editions.fr