À mesure que grandit l’emprise des technologies sur nos vies, on redécouvre la nécessité d’avoir des philosophes "lanceurs d’alerte". Aux grands enjeux les grands penseurs, capables d’étudier n’importe quel recoin du monde. Jacques Ellul (1912-1994) est de ceux-là. Convoqué tour à tour par des anarchistes, des professeurs d’université ou des théologiens, il est désormais la référence française en matière d’éthique de la technique.
On ne mesure pas encore l’étendue des vertus émancipatrices de la pensée du sociologue gascon, mort à Pessac il y a désormais trente ans. Au fil de l’histoire, les grandes idéologies du XXe siècle se sont rejointes dans la même ode au productivisme, la même foi dans le Progrès. C’est tout l’intérêt du travail d’Edouard V. Piely que de montrer comment Ellul a insisté sur le caractère liberticide du développement technicien, prisonnier de sa propre logique d’accroissement et de sa fuite en avant vers toujours plus d’efficacité.
Ellul, à qui l’on doit la formule "penser global, agir local", peut ainsi faire figure de modèle aujourd’hui, alors que nous sommes face à la nécessité, en pleine expansion numérique à marche forcée, de nous affranchir des emballements techniciens.