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Panaït Istrati : Isaac le tresseur de fils de fer

Isaac le tresseur de fils de fer

suivi de En Égypte
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À paraître début avril 2025

22 illustrations de Golo

Postface de Christian Delrue

Panaït Istrati a connu la célébrité dans l’entre-deux guerres et la plupart de ses livres ont eu de multiples éditions, jusqu’en livres de poche de nos jours. Isaac (1927) dont c’est ici la version initiale non reprise en volume a connu une seule réédition, tardive, postfacée en 1993 par Roger Dadoun. On pense que la raison la plus plausible de cet « oubli » d’un texte aussi vivant et aussi caractéristique du talent de Panaït Istrati tient au fait que sa version longue (et lourde) figure dans ses Œuvres complètes, mais peut-être aussi aux relents antisémites que d’aucuns ont cru y déceler. Un historien juif, David Seidmann, a fait son affaire à cette bévue ancienne et tenace dans un ouvrage toujours disponible quarante ans après sa parution, ce qui laisserait entendre que la recherche de la vérité n’est pas un souci très répandu : l’Existence juive dans l’œuvre de Panaït Istrati (Nizet, 1984).

Seidmann démontre magistralement le philosémitisme de Panaït, lié, jusqu’à leur mort la même année, avec le personnage du cabaretier Herman Binder, personnage réel de ce conte. De fait, l’histoire d’Isaac est une histoire juive de A à Z. Il s’agit de la lutte entre Binder, un Juif roumain débonnaire, exilé en Égypte pour fuir l’antisémisme de son pays d’origine, et un coreligionnaire local ultra-orthodoxe, Yousouf. Lutte en vue de sauver Isaac, jeune Juif roumain déserteur, à la poursuite d’un amour perdu. Les modalités de ce sauvetage s’attachent, pour le premier, à la personnalité d’Isaac, à son individualité, et à le libérer de sa désespérance ; pour le second, il s’agit de s’occuper uniquement de son âme, afin de lui apporter « la paix éternelle » dans le giron de Dieu. C’est celui-là qui gagne la partie, amenant Isaac à cette sorte de résilience qui met un terme à son existence. On comprendra qu’il y a là une fable du combat entre le bien et le mal, entre un esprit libre et une religiosité fondamentaliste désastreuse. Que l’on qualifie d’antireligieux un tel récit, on peut l’accepter. Mais qu’il n’y ait dès lors aucune mise en cause d’une communauté particulière parmi les milliers qui existent sur la planète, c’est d’une évidence éclatante. Seidmann cite la « dérive » d’Istrati, malade, se rapprochant brièvement et confusément de la « Croisade du Roumanisme » d’extrême droite, quelques mois avant sa mort. Il n’y voit qu’un incident de parcours qui ne ternit en rien une oeuvre et une vie qui furent toujours favorables aux Juifs. Sa conclusion est sans appel : « Aujourd’hui on n’a plus de peine à convaincre qui que ce soit qu’Istrati est resté un ami des Juifs jusqu’à sa mort. Mais même s’il était devenu antisémite, il faudrait l’oublier et se rappeler toujours qu’en , six ans avant l’avènement du nazisme et douze ans avant la Deuxième Guerre mondiale, il a écrit cette inoubliable lettre à Jéhouda où il recommande aux Juifs de ne pas se réfugier dans l’étude de la Thora dans l’adversité, mais de prendre enfin en main leur propre défense. »

S’il y a tout un pan d’Isaac emprunté au réel, notamment à travers divers personnages, le récit En Égypte (1931 ‒ il avait paru sous un autre titre dans le Pêcheur d’éponges) est autobiographique et relate le premier voyage de Panaït dans ce beau pays, lieu béni de la liberté et du vagabondage à ses yeux d’éternel voyageur – ici en compagnie de Mikhaïl Kazanski, l’émigré russe à « la tête encyclopédique et au cœur d’or ». Au fil de leurs pérégrinations on lira la profession de foi de ces vagabonds, qui est aussi une véritable philosophie de l’errance, choisie, assumée et pratiquée jusqu’à plus soif, tout au long de leur existence inasservie. Golo, Égyptien de coeur autant que Français, partage sa vie entre ses deux pays et illustre ces pages d’un crayon complice et en pleine connaissance des lieux.