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CMDE

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Le CMDE - Collectif des métiers de l’édition - a vu le jour à Toulouse en 2011 suite à… un mouvement social. Le but de ce dernier n’avait pas grand-chose à voir avec l’édition ; les manifs, grèves, blocages ou heurts avec la maréchaussée cristallisaient un fond de contestation sociale et politique bien plus large que la défense du livre et de la lecture, même si, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la littérature en a vu des belles et des pas mûres - on se souviendra longtemps de l’affection non feinte que ce dernier portait à La Princesse de Clèves, ou de la flamboyante acuité littéraire de son secrétaire d’État Frédéric Lefebvre qui s’enthousiasmait pour Zadig et Voltaire. La défense et illustration de la littérature française aurait certes bien justifié une paralysie du pays, voire la création d’un éditeur indépendant ; ce fut presque le cas, d’une certaine manière, mais par la bande, parce qu’une mobilisation sociale amène des gens à se côtoyer, à échanger, à passer du temps ensemble, à partager analyses et ressentis, à échafauder des plans sur la comète. Les trois personnes à l’origine du CMDE avaient beau venir « d’univers très différents : restauration, librairie, enseignement des langues », ça ne les a pas freinés. « Ils avaient chacun envie de monter des maisons d’édition : critique sociale, relais des luttes populaires en Amérique latine, conte contemporain ; ils avaient envie d’apprendre et décloisonner des métiers, partager des savoirs. » La cimentation fut rapide. Les trois thèmes dont chacun des fondateurs était porteur sont devenus les trois collections toujours en vigueur. « Qu’elle soit actuelle ou passée, rurale ou urbaine, la résistance populaire est un processus continu que relaie la collection "À l’ombre du maguey" au travers de livres-DVD. Elle met en lumière ces questions sociales qui restent dans l’ombre. "Les réveilleurs de la nuit" est une collection de critique et d’histoire sociale qui, de l’atomisation capitaliste aux résistances populaires, tache de cartographier notre époque pour mieux la transformer. Collection dédiée à l’oralité et aux narrations graphiques, "Dans le ventre de la baleine" revisite les contes traditionnels à travers une écriture et une esthétique contemporaine. La baleine avale toutes les histoires depuis le début du monde, et de son ventre, les écrits, les images, résonnent à nos oreilles. »

Sous forme associative et sans salariés, désormais composé de quatre membres, le CMDE continue de faire vivre ses trois collections originelles (à raison de 3 à 5 livres publiés par an au total), avec par exemple Barcelone contre ses habitants. 1835-1937, quartiers ouvriers de la révolution de l’historien britannique Chris Ealham (recueil de textes détaillant, au sein des "classes dangereuses" du Barrio Chino barcelonais, le rôle « des comités de quartiers nés des barricades, fondés sur le partage et l’auto-organisation ouvrière, (...) porteurs d’un projet urbanistique révolutionnaire. ») ; mais aussi Mourir au Mexique. Narcotrafic & terreur d’État du journaliste américain John Gibler (résidant mexicain depuis une dizaine d’années, il met « au jour l’horreur du quotidien de cette véritable politique de terreur, il nous montre ce que le narcotrafic est pour le capitalisme : une aubaine où les profits nagent dans le sang. ») ; ou encore Le Joueur de flûte de Hamelin de l’illustrateur lituanien Vitalia Samuilova (classique rendu ici en gravures, sans texte, puissamment évocatrices : « c’était ailleurs, c’était il y a longtemps ; cela pourrait être ici et maintenant. ») On le voit : c’est de la critique, sociale et politique, sous différentes formes, en différents lieux et en différentes époques, du monde tel qu’il va ; et mine de rien c’est aussi un beau et pertinent travail graphique et éditorial. Que le CMDE soit né lors d’un mouvement social est tout sauf un hasard : la beauté est dans la rue, dit-on...

Les 25 titres sortis depuis 2011, avec des tirages oscillant entre 1000 et 1200 exemplaires chacun, ont trouvé leur place dans la chaîne du livre, notamment grâce au travail de Hobo Diffusion : « même si au départ le projet était l’autodiffusion, il s’est vite avéré nécessaire de passer par le biais d’un diffuseur professionnel pour accéder à la librairie. Notre diffuseur correspond à ce que nous faisons et à l’échelle à laquelle nous menons nos livres : spécialisé dans la critique sociale mais avec une fibre graphique et littéraire indéniable ». Si recourir au professionnalisme est parfois incontournable et en l’occurrence irrémédiablement positif, l’habitude de faire par soi-même est toujours là. Mais le DIY n’est pas qu’une farouche volonté d’autonomie, il est en même temps et bien souvent mis en œuvre par défaut. « Étant donné la santé financière précaire et le jeu d’équilibriste que demande une trésorerie de petite maison d’édition indépendante, un maximum de tâches sont faites en interne (préparation des textes, maquette, service de presse, suivi administratif et comptable), mais d’autres sont externalisées par manque de compétence ou de temps (correction, traduction, bilan comptable, etc.). »

« Surpris par la très bonne réception de Quartier en guerre de Seth Tobocman, et notamment de sa sélection à Angoulême » (pour l’édition 2018 de l’incontournable festival de BD), l’échec de La Nuit de Tlatelolco d’Elena Poniatowska,qui relate le massacre final du mouvement de 1968 au Mexique, reste inexpliqué. « Nous n’avons pas compris pourquoi il y a si peu de résonance en librairie, alors même que la presse a été un bon relais et que ce livre est l’oeuvre d’une écrivaine reconnue, ici et là-bas, et que ce livre est d’une force inégalée. » Les voies de l’éditions ont beau être impénétrables, le CMDE ne renonce pas pour autant. Sont attendus en mai 2018 Le travailleur de l’extrême de Äke Anställning, récit d’un précaire (« à l’heure où le droit du travail disparaît dans les limbes, où les attaques du néolibéralisme n’ont jamais été aussi fortes, on lira avec délectation ces récits, qui nous rappellent la réalité de la production capitaliste – absurde, risible, et parfois tragique –, et surtout nous poussent à nous engager dans la seule solution possible : le sabotage ! ») et, en coédition avec Lux, Les pendus de Londres. Crime et société civile au XVIIIe siècle de Peter Linebaugh (« dans cette histoire sociale du crime, Linebaugh étudie les rapports entre justice et classes, et contribue ainsi à l’histoire de la propriété privée. Avant 1734, la basse rémunération des ouvriers était en partie compensée par le chapardage, connu de tous et accepté, car garantissant une certaine harmonie, mais celui-ci fut criminalisé et la peine capitale devint un outil de consolidation de la propriété privée. »).

La lutte sociale n’est jamais loin, point de mire aussi bien que base sur laquelle, on l’a vu, tout s’est érigé : inscrire son aventure collective et humaine dans le monde du livre ne permet évidemment pas à ce dernier d’échapper à l’auscultation. « Si on regarde les « indicateurs » qui servent à évaluer à quoi ressemble un monde professionnel, on pourrait déprimer : la perte continuelle de grands lecteurs, l’ultra concentration des grands groupes éditoriaux, la difficulté pour les éditeurs et les libraires à boucler les fins de mois, la précarisation à outrance des travailleurs du livre et des auteurs (salut les auto-entrepreneurs), la course à l’échalote de la numérisation encouragée par les pouvoirs publics, un secteur sous perfusion d’aides publiques, la réduction des budgets pour la lecture publique… Pourtant, notre expérience concrète de petite structure éditoriale, et la nébuleuse dont on a l’impression de faire partie, celle qui produit des contenus critiques de la société contemporaine dans un but d’émancipation sociale, nous pousse toujours plus à continuer notre travail, car le monde a besoin que l’on se pose pour lire ! Lire, c’est réfléchir, apprendre… et pourquoi pas lutter ! »

éditions CMDE
43 rue de Bayard
31000 Toulouse

http://www.editionscmde.org

L’équipe de Quilombo vous présente des maisons d’édition indépendantes. Une table présentant les principaux livres leur est dédiée à la librairie et vous pouvez bien sur nous commander tous les titres par correspondance.