Comme de nombreuses « petites maisons d’édition », nous savons que les gros tirages n’induisent pas systématiquement la sanction d’un texte de qualité. Nous savons que l’inverse existe aussi et que la taille de la maison d’édition, grande ou petite, n’est pas une excuse à la médiocrité. Nous y veillons. Notre politique éditoriale est déterminée par une exigence d’écriture, tant dans le registre de la création poétique ou littéraire, que dans les témoignages historiques. » De fait, Le Mot et Le Reste, depuis 1996, publie de la littérature (prose et poésie) aussi bien que de la réflexion politique (Peuples et états, l’impossible équation ? de Roland Breton), des études esthétiques (Au delà du rock, la vague expérimentale et électronique allemande des années 70, qui vient de paraître, ou Du mot à l’image & du son au mot, sur le rôle du texte dans les avant-gardes artistique du XXe siècle) comme de l’histoire sociale (Histoire du drapeau rouge ou encore Histoire du 1er mai). Deux salariés et demi, c’est tout juste assez pour faire vivre les ouvrages de Raymond Federman, Fernand Deligny ou LL de Mars ; l’association reçoit des subventions publiques, parce qu’avec un tirage entre 600 et 4000 exemplaires il est difficile de boucler le budget, et même si certains ouvrages connaissent un relatif succès et attirent l’attention, tels Journal de bord d’un négrier ou Rock, pop, un itinéraire bis, Le Mot et Le Reste s’est fixé comme ligne éditoriale de ne rien publier pour gagner de l’argent. « Nous ne faisons pas de campagne de presse, de repas avec les critiques littéraires. Nous avons pris le parti de développer des rencontres avec nos auteurs dans les médiathèques, arthothèques et librairies. Pour le reste, nous savons bien le peu d’intérêt des médias nationaux pour des maisons telles que la nôtre, n’achetant pas d’espace publicitaire chez eux et ne bénéficiant donc pas de renvoi d’ascenseur en articles complaisants. » Il n’y a pas que la collaboration avec le système médiatique qui est volontairement réduite : certaines tâches comme la diffusion sont directement déléguées (en l’occurrence Vilo) pour permettre de se concentrer sur le travail éditorial. Ce dernier est axé principalement autour de trois collections (Ecrits, pour la littérature contemporaine ; Formes, pour l’art et l’esthétique ; Attitudes pour les critiques et réflexions sur le champ social), soit une quarantaine de titres publiés au total. Les maquettes et le choix des textes sont réalisés en interne. Vont arriver sous peu Perspectives politiques de Noam Chomsky, Essais de H.D. Thoreau ou encore Mes démangeaisons de Ben.
La petite structure éditoriale est aussi cohérente avec le reste de la chaîne du livre et en politise l’existence et l’action. Sur la librairie, il « semble qu’elle se développe sur deux vitesses, l’une pour les « meilleures ventes », avec ristournes, mises en piles dans les hypermarchés et back office comme pour les conserves et matraquage médiatique et l’autre pour les libraires qui font un travail de libraire, un peu comme pour le cinéma d’art et d’essai, à savoir : connaître le fond sur lequel ils travaillent et être capables de faire découvrir à leurs acheteurs un ouvrage auquel celui-ci n’aurait pas songé, mais qui leur semble important. Bref de faire un travail militant : celui de donner accès à la culture, la réflexion, faute de quoi les moutons seront bien gardés et la critique des princes inaudible. »